Objectif terre

Les Cordeliers, Châteauroux, 18è Biennale internationale de céramique contemporaine.

25 juin – 20 septembre 2015

 Objectif terre

Les Cordeliers, Châteauroux, 18è Biennale internationale de céramique contemporaine.

25 juin – 20 septembre 2015

Après la peinture à l’huile, la craie noire ou le fusain, Michel Perot était toujours en quête d’un médium qui lui offrirait les meilleures potentialités de début. Un bon lancement, capital, la suite en découle. Il a finalement adopté la minuscule pointe du roller pilot : ça va vite, la mine court sur le papier,
la ligne reste noire et lumineuse longtemps. Dans ce réseau de traits, la difficulté est de remplir sans
trop remplir. Il faut à tout prix maintenir la tension et créer une vibration entre le noir du stylo et
la matité blanche du papier, donner du corps au trait en l’emberlificotant tout en ménageant le vide
et l’absence. Or, de près, le maillage est aveugle. Seul le recul offre une compréhension d’ensemble.
Le travail à l’atelier plus fouillé que lors des performances peut s’étendre sur deux semaines parfois.
Il y a un côté labeur artisanal qu’il faut impérativement fuir. Le temps passé menace la fraîcheur et
l’harmonie générale du dessin. Michel Perot doit parvenir à se mettre dans l’état d’urgence de la
performance, quinze jours de suite s’il le faut. L’hyperactivité alterne alors avec des phases de grande
méditation. Recul, attention, conscience intuitive, sont autant d’états du dessinateur.
(…) Michel Perot, en élève appliqué part de son médium, lui reste fidèle, lui fait confiance et le laisse
l’emmener jusqu’à la liberté, à force d’épuisement et d’obstination.
Aux antipodes d’une nature élégante, les arbres de Keen Souhlal et de Michel Perot sont urbains.
Fausse nature. Erreurs sublimes. Constructions parmi les constructions. Empilements de chêne, de
grès, de charbon, de ciment, âmes de grès ou de ciment, ils sont dans ce rapport nature/culture, l’expression de la ville et des matières mises en œuvre en son sein. Les matériaux vivants se mélangent
aux matériaux inertes, sans heurt, avec beauté même. Tout est une question d’espace, d’interstices, de
rythmes.
(…)
Michel Perot, en guetteur sobre, modeste et obstiné ne se lasse de rien, s’enivre de la répétition du
trait, du geste et des choses. Colombes, Clichy, Ivry-sur-Seine suffisent à son exotisme. Membre du
groupe les soirées dessinées fondées par Jean-Marc Forax, il lui arrive assez souvent de se livrer à des
performances dessinées dans des galeries ou des lieux improvisés. Entre trois et quatre heures non
stop, de traits tracés à la craie noire ou au fusain sur un papier de deux, quatre, six mètres de long
sur deux mètres de haut. Pure exaltation ! L’énergie, l’intensité, la concentration, le « tout donner »
ainsi réquisitionnés sur la durée désinhibent son art, ont raison des prudences et libèrent le geste.
L’urgence dépouille et rend le trait plus visible, plus frais, plus vivace. Désormais, et à chaque fois qu’il
faut assaillir l’immense page blanche, Michel Perot n’est mû que par un objectif : atteindre la vitalité
du gribouillage.
A Châteauroux, l’arbre sert leur dessein commun. L’arbre est un fragment de paysage, une manière
d’entrer dans la tradition de l’art paysager en décalant le sujet. Fût et tronçons, écorces et ramures,
vertigineuses poussées introspectives de la matière, nouvelles Colonnes sans fin.

Stéphanie Le Follic-Hadida, commissaire d’exposition